Fiche de lecture de Claude Comité Nord

Editions de L’Observatoire, 2020
J’avoue que lorsque la sélection 2021 des ouvrages du Comité de lecture Nord-Sud Pessac Kinshasa est tombée, je ne me suis pas précipitée vers l’ouvrage « Aline et les hommes de guerre » de Karine Silla. Un an plus tard, Isabelle Mandile m’ayant un peu poussée, la lecture des premières pages du livre m’a tout de suite captivée. L’Autrice Karine Silla, y révèle son intention de mêler à la fois un hommage à son père, docteur en sociologie et diplomate des Nations Unies sénégalais et l’histoire de la vie de la résistante Aline Sittoe Diatta, Jeanne d’Arc ou Gandhi africain.e. De son père elle écrit dans le prologue, « tu ne m’as rien donné à part la vie, et tu ne m’as rien laissé après ta mort, à part le monde obscur de nos ancêtres et les contes de mon enfance… ». S’ensuit la description d’une photographie d’Aline : « courageuse, belle, au port de tête insolent, torse nu, la pipe à la bouche, un gri-gri autour du bras, libre, féminine et féministe avant l’heure… » Est-ce d’ailleurs la photographie d’Aline qui figure sur la couverture du livre ou s’agit-il du portrait d’une femme ouolof anonyme comme il est indiqué? On ne sait pas. Et c’est là tout le mystère du livre – entre histoires, histoire avec un grand H, contes et légendes.
Personnellement je n’avais jamais entendu parler d’Aline Sitoe Diatta, si ce n’est que lors d’un voyage à Dakar où j’ai découvert le nom donné au ferry qui fait le lien entre Dakar et La Casamance. Diverses recherches ne donnent pas grand chose non plus. Peu d’ouvrages, peu d’articles…ce qui tend à faire grandir la légende. Karine Silla a construit un roman biographique. Elle nous fait découvrir le personnage d’Aline en même temps qu’un grand pan de l’histoire du Sénégal et de la colonisation française – histoire tout aussi méconnue. On y apprend toutes les périodes de la colonisation portugaise, anglaise puis française et les atrocités des systèmes coloniaux mis en place. Aline naît en 1920 dans le village de Cabrousse. Nous sommes en Casamance dans la mangrove et les rizières, c’est le pays des Diolas, connus pour leur amour de la liberté et la résistance à la domination étrangère. Aline, orpheline, élevée par un oncle, doit quitter son village. Elle devient docker sur le port de Ziguinchor, puis gouvernante dans une famille de colons français à Dakar. C’est la qu’elle entend des voix qui lui ordonnent de rentrer chez elle en Casamance pour libérer son peuple. Adepte de la non violence et de la désobéissance civile, elle les appelle à lutter pour leur terre et le respect de leurs traditions au moment où le système colonial imposé par l’administration française pendant la deuxième guerre mondiale est le plus dur. Elle va encourager le refus du paiement de l’impôt, le refus de la conscription des hommes, et le refus de la culture de l’arachide. Arrêtée et déportée au Mali, la jeune femme meurt à vingt-quatre ans devenant l’héroïne de la résistance sénégalaise. Roman très intéressant d’un point de vue historique qui nous apprend beaucoup sur la colonisation qu’on ne nous a pas enseignée voire cachée. Karine Silla réhabilite le personnage d’Aline Sitoe Diatta, sa résistance aux colonisateurs soit disant supérieurs et les traditions de son peuple.