Archives de Tag: guerre

Enfant de guerre de Josué MUFULA

Fiche de lecture de Françoise, Sylvette et Michelle

Comité Nord

L’ AUTEUR

 L’auteur Josué MUFULA est un jeune poète et romancier né en 1984 à GOMA en République Démocratique du Congo. (il a donc 27 ans aujourd’hui)

En 2005 il est président du mouvement des étudiants pour la reconstruction du Congo. En 2005, son livre « Enfant de guerre » a été parrainé par le Ministre de la Culture du Congo qui a exhorté la jeunesse congolaise à suivre l’exemple de Mufala.

Aujourd’hui, Josué Mufala, écrivain témoigne dans des conférences de son expérience d’enfant soldat.

RESUME – il s’agit d’un récit autobiographique –

 C’est le récit d’un jeune Congolais de 11 ans, en 1996, enrôlé volontaire dans l’A.F.D.L. (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo), commandée par le rebelle Laurent-Désiré KABILA. Cette guerre avait pour but d’anéantir la dictature de MOBUTU alors au pouvoir et qui opprimait le peuple.

Il voulait « être un soldat dévoué prêt à servir la nation ». Il part, sans l’assentiment de ses parents. Son père essaie de le retrouver mais en vain. Plus tard, il téléphone chez lui pour donner de ses nouvelles, il tombe sur sa mère qui lui demande « pourquoi nous as-tu fait ça ? » mais il n’a pas le temps de lui répondre, il doit couper la communication.

Il suit une formation de 3 mois dans des conditions très dures, nourriture médiocre, entrainements intensifs. La famille lui manque mais il est impossible de s’échapper, ceux qui cherchaient à le faire étaient rattrapés et exécutés; De même les malades étaient placés dans un camp éloigné et « disparaissaient ».

Au bout de 3 mois le baptême du feu pour les jeunes Rambos avec l’aide du cannabis il fallait tuer pour ne pas se faire tuer.

En 1997, après 7 mois de guerre et 2000 km de marche, les pieds en sang dans des bottes en caoutchouc, après des opérations d’espionnage habillés en écoliers, objectif atteint : le peuple congolais est libéré et toujours la nostalgie de la maison.

Il n’a qu’une envie, terminer cette guerre à laquelle il adhère pourtant, pour reprendre les études. Mais à la libération il est enrôlé pour faire partie de l’escorte de KABILA. Il fait de la prison, étant accusé d’inciter ses camarades à déserter pour reprendre l’école. Il ne se décourage pas et continue ses démarches pour recouvrer sa liberté et il finit, en effet, par retrouver ses chères études car l’UNICEF avait alors engagé un processus de démobilisation et de réinsertion des enfants soldats congolais. Grâce à cet organisme, il réussira à être démobilisé et seul s’inscrira dans une école catholique. Mais les ex-kadogos sont considérés comme des ennemis, des mauvais et les structures supposées l’aider et notamment ses professeurs n’en feront rien. Il dira p39  » lorsqu’une plaie n’est pas sur son propre corps, on ne peut estimer valablement la douleur qu’elle cause ».

La société congolaise semble mal accepter ceux qui sortent du rang : les publications et les conférences de Mufula sont mal accueillies, ses examens sont mal corrigés.

Son adolescence ne fut donc pas facile, dit-il, mais il termine son récit en écrivant « il est vrai qu’une pareille épreuve paraît toujours comme un sujet de tristesse et de lamentation au premier abord ; mais peu après c’est une vie radieuse qui en découle » et aussi, la dernière phrase du récit : « la vie d’un homme n’est faite que des défis qu’il se doit de relever »

En fait on comprend que ses propres défis étaient alors :

–> Faire cette guerre pour aider à libérer ses compatriotes du système odieux de la dictature
de MOBUTU qui lui était insupportable – il écrit « Ils avaient fini par faire germer en
moi une envie, celle de m’opposer à ces inciviques qui s’arrogeaient non seulement le
droit de voler mais aussi de violer impunément nos mères et nos soeurs au su et au vu
de tout le monde »

–> Et son deuxième défi : faire des études – Il dit : « j’étais impatient de reprendre les
études et ce sentiment envahissait tout mon coeur » 

COMMENTAIRES

 Nous sommes globalement d’accord avec tout ce qui a été dit par les autres lecteurs/lectrices, à savoir :

==> Le livre est bien écrit et se lit d’une traite car il est prenant.

==> On peut effectivement se demander si tout est dit dans ce récit car les descriptions des actions de guerre semblent « arrondies » c’est-à-dire qu’on a l’impression qu’il a obturé volontairement certains effets dramatiques. Il ne juge jamais les atrocités commises par ses pairs et ses supérieurs alors que les exactions de l’AFDL dans laquelle il est engagé sont très semblables à celles de l’armée de MOBUTU qu’il combat.

Il les expose sans les critiquer vraiment. C’est tout juste s’il se permet de dire « les
exécutions sommaires servaient d’exemple et avaient aussi pour but de nous
accoutumer à la vue du sang et à la manipulation des cadavres que nous devions du
reste inhumer nous-mêmes… »
– Il parle aussi des viols et autres débauches commises
par ses camarades mais auxquels, lui, ne participe pas…

==> Alors oui, on se pose la question de savoir si la situation personnelle et sociale, entre
autre, de l’auteur au moment où il relate ce récit ne l’empêche pas de se livrer complètement et ne le retient pas de tout dire sur son ressenti d’engagement, pourtant
volontaire, d’enfant soldat de 11 ans.

Il faut rappeler en effet, et c’est dit dans la préface, qu’il est fils d’ « intello »(son père est
professeur d’université) et qu’il poursuit lui-même (l’auteur), des études de philosophie
aux facultés de lettres et sciences humaines de Lubumbashi. Il est poète-romancier
reconnu, membre de la pléiade congolaise et appartient au mouvement des Etudiants
pour la Rénovation du Congo.

AFDL

En dehors de tout cela qui a déjà été plus ou moins exprimé par les autres lecteurs, je peux apporter une information complémentaire sur l’AFLD (dans laquelle s’est engagé l’auteur à l’âge de 11 ans) puisqu’on avait dit que ça ne serait pas mal de faire des recherches. Je les ai donc faites.

L’A.F.D.L. signifie Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo.

C’est une coalition, en 1996, de dissidents à MOBUTU puis de groupes ethniques minoritaires qui emmenés par Laurent-Désiré KABILA prirent le pouvoir au terme de la 1ère guerre du Congo en 1996/1997 (Josué MUFULA, l’auteur, né en 1984 et qui avait 11 ans en 1995 a donc pris part à ces combats à ce moments-là).

Le 17 mai 1997, après une dernière médiation avortée entre MOBUTU et KABILA et à laquelle assistait Nelson MANDELA, l’AFDL atteignit le quartier de Masina à KINSHASA et KABILA s’autoproclama Président de la République Démocratique du Congo (jusque là ZAIRE) après avoir évincé MOBUTU. L’AFDL fut alors rapidement transformée en la nouvelle armée nationale. Mais, bien qu’elle ait participé à la chute du régime de MOBUTU, elle ne survécut pas aux tensions entre KABILA et ses anciens alliés (Rwandais et Ougandais), ce qui entrainera le déclenchement de la 2ème guerre du Congo en 1998…. mais c’est une autre histoire !!!

Pour information, Laurent-Désiré KABILA est resté au pouvoir jusqu’en janvier 2001 (4ans donc), date à laquelle il est mort assassiné par son garde du corps. A sa mort, son fils Joseph KABILA est désigné pour lui succéder. En novembre dernier (2011) il est réélu à 48,9 % contre Etienne Tshisekedi après le rejet de demande d’annulation des résultats par l’opposition invoquant des irrégularités du scrutin.

DERNIERE MINUTE:

La presse française annonçait le 15 Mars 2012 le dénouement d’un procès qui durait depuis 3 ans:

« Une victoire pour la cause des enfants soldats ».

La Cour Pénale internationale a reconnu coupable de conscription et d’enrôlement le Congolais Thomas Lubanga.

Tagué , ,